(Temps de lecture: 1 mn)
J’ai laissé dans ton lit tes seins, tes bras, tes cris. Ce n’était pas ma place. Je te dis cela sans reproche et sans regret. Ce départ était inscrit sur ma peau. Il peut se lire dans mon sang. J’appartiens à mon clan. Je suis un gitan.
Notre amour était beau mais a-t-on déjà vu un loup avoir une gamelle et une niche ? Avec une maison et un jardin pour solide laisse ? Ce rêve était fou. Mon âme est nomade.
Comment aurions-nous pu prétendre domestiquer en moi ce peuple qui suit le vent, parle aux rivières, fait pleurer la lune au son des violons mélancoliques ou virevolter nos femmes sur des airs de guitares manouches dont les bouches ont été dessinées pour embrasser nos coutumes ?
Ne l’as-tu pas entendu venir me chercher cet appel ancestral ? Le passé, le présent, le futur se confondent dans mon clan. C’est ensemble, nous les tsiganes, que nous les traversons. Nos demeures se sont affranchies des entraves pour rouler au cœur d’une vie qui ne saurait stagner. Il y a tant à explorer de par le monde.
Je n’aurais su rester plus longtemps. Je t’ai regardée, belle, endormie, si loin déjà. Un baiser dans tes cheveux déposé doucement. Alors ton parfum… Ta respiration régulière… Ta poitrine qui se soulève… Soudain ce regard brûlant qui se demande ce qui… ce que… qui ne comprend pas. Ce cri brusquement. Prison perçante. Et tes mains qui m’ont agrippé. Avec elles, la maison, les murs, la gamelle et la laisse à leur tour m’ont assailli.
Dans la poussière des routes, je suis parti.
NDA: Il y a deux ans, mon amie Sourisha a proposé sur le forum de Short édition de rendre hommage aux gitans dans des textes très courts, nouvelles ou poèmes, qui seraient ensuite placardés dans sa ville. Il fallait placer la phrase: « Dans la poussière des routes, je suis parti… » La lecture d’un roman dernièrement, une discussion ce jour, m’ont rappelé ma participation et combien je me suis fait violence alors pour oser venir soumettre mon texte à Sourisha dont le style puissant m’intimide autant qu’il me charme.
Illustration: Another romani flag de Syrius Joker
J’aime beaucoup ce texte au style épuré, c’est très beau.
Un style épuré, c’est exactement ce que j’ai voulu faire passer en l’écrivant. Je suis ravie que tu l’aies senti.
Très beau texte, où les images du voyage ricochent au milieu de chaque strophe… ému je suis et mue je serai !
C’est moi qui suis émue tu veux dire, par un tel retour. Tellement heureuse que le texte puisse avoir ce pouvoir.
Quel plaisir de te (re)lire! Et avec quel texte, quel style! Simple, épuré qui va droit au cœur. Reste avec nous, la motivation est là 😉.
Mow, et moi qui me disais que ce texte aurait du mal à passer auprès des lecteurs… J’ai d’ailleurs hésité à le mettre sur le blog malgré la conviction solide que je n’en modifierais pas une ligne. Merciiiii!
J’aime bien ton style, sobre mais, juste et pas mélo.
Contente de t’avoir lue, mais j’ai du mal avec les textes très courts…
Bise
Aïe, je n’envisage pas le format roman. Cela ne me titille pas. Merci de ton passage Françoise.
…et ton mari, il est au courant pour le gitan ?
😉
C’est très chouette, moi aussi j’avais écrit un poème pour la copine-Souris, je ne sais plus où il est…
Tu sais quoi, si tu remets la main dessus, je t’invite à le publier ici en commentaire. Ce serait sympa.
Sinon, euh… oui, il y a de moi dans mes textes mais bien sûr ça reste de la fiction. Ouais, c’est bien ça comme réponse officielle. Je garde!
Tu hébergerais un Marseillais après un Gitan, c’est l’escalade…pourquoi pas un Breton tant que tu y es…
Heureusement que je peux compter sur ton discernement en ce temps de canicule qui fait que mon cerveau s’égare. Pour toi, ce n’est que routine. La chaleur, je veux dire.
Et nous chanterons le gitan des cerises… celui qui faisait des confitures.
Sinon, très beau texte… épuré et définitif, comme l’ont souligné les éminents commentateurs/trices qui m’ont précédé.
Mince, je découvre ton commentaire seulement maintenant. 10 jours d’incubation. Et je suis très touchée de ton retour qui souligne précisément l’esprit dans lequel le texte a été écrit.
Une prose-poésie qui roule en torrent roulement de tambours en choc sur les pierres des chemins escarpés de la liberté totale, au prix d’en perdre l’amour qui se transmuterait en nielle enchâssée d’une gangue de pierre tombale.
désolé pour la coquille de mon commentaire, je déteste cela, j’ai appuyé trop vite!
Une coquille ? Quelle coquille ? Non, je ne vois pas…
“A pu” de coquille, Patrick, elle a disparu.
Merci beaucoup pour ce magnifique commentaire.