Eternelle

Je veux être moi aussi de ces douces vieilles au visage pommé, discrètes,
De celles que vous croisez sans vraiment les voir dans les maisons de retraite,
Qui illicites s’en vont rejoindre pendant la nuit leur homme à pas de souris,
Avec dans les yeux l’amour farouche d’une toute jeune fille, riche d’espièglerie
Dès lors qu’elle veut franchir les portes de l’interdit et s’offrir à l’amour charnel,
Acte ascensionnel qui toujours abolira le rationnel au nom du tendre passionnel.
Oui, à mon tour je marcherai un jour dans les pas de cette sage femme
Qui ne fait que transmettre la vie dans cette délicieuse audace libérant l’âme.
Rien de plus réfléchi ni de moins instinctif, a-t-on encore un âge quand on aime vivre ?
Je n’écouterai pas de date chiffrée alors que je sens en moi l’éternité, cette fièvre,
J’aime la vie et il n’y a au monde nul obstacle qui puisse enfermer cette volupté,
Il n’est rien qui puisse venir dompter mon insatiable et jubilatoire curiosité.
Il m’arrive même de m’envoler au-dessus du monde et de ses turbulences,
De là-haut, avec délicatesse, j’embrasse la terre tout entière de ma tendresse.
Quel calme intérieur dans ce souffle de paradis qui gentiment me caresse,
Je n’ai jamais autant existé qu’en ce moment où je fais entendre ma voix.
Chaque instant renouvelé fait jaillir des échos de joie et j’avoue de fougue parfois,
L’oubli ne pourrait effacer de ma peau épicurienne ce que je ressens et prends,
Sensualité affranchie qui ne connait ni la menace de la peur ni le carcan du temps
Car j’aime. Je vis. Je savoure. Je donne. Je ris. Ici et maintenant je suis éternelle
Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que je suis ivre ? De vie, oui, originelle.

2 réflexions sur « Eternelle »

  1. Ce poème me touche car il réconcilie et unifie dans un même élan la fin de vie et le commencement ou “l’origine” de toutes choses! Cet hymne à ce qui peut faire peur, le vieillissement, nous fait entrevoir l’univers des possibles, même et surtout quand on se sent à l’étroit dans sa peau, dans sa petite vie sclérosée ou verrouillée…

    1. Je te remercie de cette lecture sensible. Cette petite vieille, cette jolie mamie, aussi sage qu’elle est espiègle, amoureuse et déraisonnable comme on l’est toujours quand on aime, je la vois dans mon cœur, elle m’emplit de joie et de douceur. Je ne peux retenir le vaste sourire qu’elle m’inspire. Je me sens complice, comme si je faisais le guet pour elle tandis qu’elle rejoint une autre chambre, je suis excitée comme une puce, honteuse et fière d’être dans le coup. Elle me plait.

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