L’Isère ? Me v’là bien, connais pas. Enfin, pas plus que ça.
Par contre, la Savoie, la Haute Savoie ou les Hautes Alpes, ça ça me va ! Incollable. Allez, chiche, je refourgue mes souvenirs de vacances, je fais un mix de l’hiver sur les pistes enneigées et de l’été au bord du lac d’Annecy, je change le nom des patelins et, ni vu ni connu, je t’embrouille. Plus que deux ou trois patronymes locaux et ça passe.
Si je ne dis rien, ils ne sauront pas…
Le Reblochon, le maquis dans le plateau des Glières, le lac d’Annecy ou le lac du Bourget, tout s’adapte. Doit bien y avoir un gros lac à se mettre sous la dent, non ? Sinon, c’est montagneux, je peux y recycler les prés à vaches, faire tinter les cloches, tout ça, histoire de poser l’ambiance. Pas besoin de peaufiner les détails, on n’a droit qu’à 6000 signes.
Les pistes de ski ? Euh, j’ai pas vérifié… Un tour sur Wikipedia me répondra. Mais, suis-je bête, Chamrousse, Alpes d’Huez et j’en passe, bien sûr qu’on skie tout pareil en Isère. Comment ai-je pu oublier ? Alors j’y plante quelques chalets, des fruitières et un ruisseau pour compléter la carte postale et zou, le décor est trouvé ! Un petit détour par la vallée et j’y case aussi l’incontournable ville de Grenoble, dans laquelle j’ai jamais mis les pieds mais on n’est plus à ça près. Tiens, c’est vrai, j’ai jamais eu le temps de passer voir les copains. Je me dis toujours que j’irai pi je le fais pas… Mais c’est pas le problème ; j’y mets quoi, moi, dans mon histoire ?
Oh, basta, pourquoi me compliquer, j’en ai lu des pas mal sur le site, des bons petits TTC bien ficelés. Je me compile tout ça et roule ma poule.
Quoique… J’ai des scrupules. Juste assez pour pas oser cliquer sur envoi devant le texte puzzle aux allures de Frankenstein que ça a donné.
Bon, non, allez, soyons raisonnable, j’abandonne le monstre.
L’Isère, j’avoue, pour moi, comment dire, ben, rien. C’est justement le coin de France que je ne connais pas encore.
Oh misère !
Pour moi, en Isère, il n’y a que Grenoble, virtuelle, qui ressemble à un univers flou chargé de possibles, de peut-être et de pourquoi pas, un truc difficile à cerner, un « schmilblick », planqué dans l’écrin d’une métropole à échelle humaine. Enfin, pas tout à fait, cette ville prend la forme concrète d’une équipe de jeunes qui ont le sens des affaires. Je visualise un vaste réseau de contacts, un centre d’animation qui affiche plus de 223 000 visiteurs, une congrégation de gens primés ou pas -de quoi du coup faire partie de la catégorie « déprimés » (là, je sens que je viens d’achever mon maigre lectorat…)- pour leurs propositions innovantes, c’est une boîte d’import-export qui vend des petites bornes orange qui tirent la langue aux passants dans les stations, bref, c’est le siège de Short édition.
Et là, je vois ! Et mon esprit se met enfin en mouvement…
Car je vois aussitôt des mondes qui s’ouvrent, des mondes d’une densité unique, au travers de créations littéraires qui noircissent les écrans de petites lignes fascinantes, des passions, des fantasmes, des deuxièmes vies, j’y vois la liberté, des balades oniriques, une invitation continuelle au voyage, j’y vois des trouvailles, des pépites, j’y vois une poésie qui m’empêche parfois de respirer, des plongées vertigineuses dans des vallées imaginaires dont j’ai envie d’explorer chaque recoin, j’y vois un partage qui virevolte et grise en une véritable addiction, j’y vois le plaisir pur.
Alors, si l’on doit me parler de l’Isère, qu’on n’oublie pas en me parlant d’elle, de me faire voyager…
NDA : Impro en 1h pour un concours lancé cet hiver par Short édition dans le cadre de « Short paysages ». Il fallait évoquer l’Isère à partir du thème « en mouvement ». Ah oui ? Bon, ben, ça donnait ça.