Jonas a retiré son casque lui aussi et on s’est assis tous les deux, lovés l’un dans l’autre. Il s’est arrêté dans ce champ à l’écart du monde pour regarder le ciel et il me tient contre lui. « Chut ! » il m’a dit, avant de contempler les étoiles, alors religieusement j’écoute le silence au creux de ses bras. Il est tout tendre et j’adore ça. Il me protège, sensuel, je suis bien, sa respiration me berce. S’il savait à quel point je l’aime… Trop tôt pour le lui dire, cinq jours seulement qu’on sort ensemble !
Mon Dieu, on est happé si vite ! Écrasant de beauté, vertigineux, à la fois apaisant et chargé de mystères, spectacle indicible, l’espace est un être vivant fascinant. Dans le vide et le silence de son immensité, je ne peux que me soumettre, je ne sais plus rien sinon que l’homme n’est rien face à l’univers, rien.
Contempler la voie lactée, pas mal, c’est une bonne idée, très romantique. Ici il n’y a que nous au monde, plus besoin de parler, nous nous comprenons sans mots. Quel sentiment de plénitude ! J’ai envie de hurler que je l’aime, à plein poumons. Trop tôt, je vais lui faire peur, mais qu’est-ce que j’en ai envie ! Est-ce qu’il sait qu’il est tout pour moi ? Tout.
Insignifiants, petits grains de vie fragiles, combien à travers l’histoire de la Terre nous sommes-nous succédés et nous succèderons-nous encore à regarder ainsi les cieux avant qu’ils ne nous engloutissent dans leur sourde indifférence ? Quel rôle pouvons-nous vraiment jouer dans l’équilibre de l’univers ? Mais comment les hommes peuvent-ils être si arrogants ? Comment peuvent-ils prétendre dominer la terre ? Pourquoi tant de malveillance entre eux ? Ils sont fous.
We are the kings of the world ! Je me fiche du reste du monde cette nuit, moi, je suis dans les bras de mon mec et les autres, s’ils sont seuls ou malheureux, je m’en fous complètement, ce soir, je ne veux pas le savoir, c’est indécent comme je suis heureuse là tout de suite, je suis complètement folle, folle de lui.
Comment ne pas respecter la vie quand on a contemplé telle beauté ? Pourquoi tous les hommes ne lèvent-ils pas les yeux comme je le fais ce soir ? Ils se détacheraient de tout, ils arrêteraient de ne penser qu’à eux, ils ne tueraient plus. Oui, ils ne tueraient plus…
Bon, les étoiles, c’est beau mais ça va deux minutes, moi, je préfère regarder les mains de l’homme qui me serre contre lui, wouaouh, j’adore ses mains, chaudes, toutes à moi, couvrant les miennes, j’aimerais bien qu’il les utilise d’ailleurs… Je suis sûre que Jonas m’a amenée ici pour qu’on s’embrasse sous les étoiles. Lui et moi, rien d’autre ne compte. Je tuerai pour qu’il me dise « je t’aime » là tout de suite.
Quel doux abandon que de se perdre dans l’infini, loin de son corps, du présent, de sa frénésie, qu’il est bon de succomber à la caresse de l’éternité !
Ça caille, j’aurais dû prendre un pull, il faut dire que je ne pensais pas qu’on y passerait deux plombes dans ce champ de blé. Je suis mal assise en plus, ce n’est pas possible il doit y avoir un caillou. Bon alors, il m’embrasse ou pas ? Il en prend du temps… Je l’aime à mourir mais bon si on pouvait s’embrasser avant ce serait quand mieux, et plus si affinités, compris là-haut ?
Et malgré tout ce que cela peut comporter d’insensé, car je ne veux pas être raisonnable en cet instant où je tiens celle que j’aime contre mon cœur, j’ai l’impression que rien ne peut nous atteindre elle et moi, pas même les lois de l’univers. Nous sommes intouchables, invincibles de par la force de mes sentiments absolus. Mais cela je ne peux te le dire mon amour, tu prendrais peur.
Pfff, je m’ennuie ! Il ne se passe rien là. Quand est-ce qu’on y va ?
Je voudrais que ce moment se fige, je ne veux jamais l’oublier, elle et moi, amoureux, enlacés, paisibles, en apesanteur, hors du temps.
Mais pourquoi il ne dit rien ? Ça plombe l’ambiance. Quelle heure il est ?
— Mathilde ?
— Oui ?
Ça y est, il va le dire, oui il va le dire, sûre qu’il va me le dire et qu’on va le faire, au secours !
— Oui Jonas ?
Il hésite, alors il a peur lui aussi, c’est adorable !
— Je ne voudrais pas que tu rates ton partiel demain à cause de moi. On y va ?
Mais je m’en fous moi de mon partiel, il se fiche de moi, on n’est pas venus se geler les fesses au clair de lune et point barre ! Les étoiles, enlacés, seuls au monde, il y avait du potentiel quand même ! Mais rien, pas un mot, pas une once de sensibilité romantique, nada ? Quant à la poésie, je peux repasser… Eh oh ! Il faut savoir savourer les beaux moments dans la vie, un peu d’élévation, merde, ce n’est pas si difficile ! Heureusement que nous les femmes, avec notre sensibilité, on est là pour relever le niveau. Qu’est-ce que ça peut être terre à terre un mec !
Nous avons appris le mot cacophonie après la lecture de ce texte en nous réveillant ce matin. Merci, j’ai ri.
Merci à tous les 2.