Ex tenebris lux

     Il y eut une nuit où la lune se figea. Elle resta là. Inerte. Le jour ne lui succéda plus. Combien de temps est-ce que cela dura ? Longtemps. Très longtemps. Puis elle disparut, plongeant les hommes dans la nuit des temps.

     Les journalistes d’abord se délectèrent du fait sensationnel. Ils parlèrent beaucoup. Dans le vide. Alors ce fut au tour des philosophes. Ils tentèrent de comprendre. Leurs pensées se perdirent aussi dans le néant. Les politiciens furent désemparés. Impuissants. À quoi bon rejeter l’évidence ? Le monde entier était désormais plongé dans l’obscurité. Dans l’obscurantisme. L’humanité entière eut le sentiment qu’on l’avait abandonnée.

     On se trouva bien un vieux chaman qui avait prédit jadis que cela arriverait. Ça en apaisa certains un moment. Peu d’entre eux. Si peu. Puis ça ne suffit plus.

     Le jour n’était plus. Le temps s’était enfui. Le sens n’existait plus. L’humanité se mourrait. Au fond de leur âme, les hommes reçurent cette conviction terrible qui leur devint insupportable.

     Alors les hommes durent affronter leurs terreurs nocturnes. Était-ce ça la fin ? Le Valhalla. La mort inéluctable.

     Pour se rassurer, les hommes se dirent qu’on les éprouvait. Ce qui engendra fatalement l’obsédant « pourquoi ? » puis l’indignation. Mais que payaient-ils donc ? Aussitôt les réponses les submergèrent. Elles étaient infinies. Autant que le mystère de la nuit qui ne leur répondait pas. À force de s’interroger, ils se virent nus et ils eurent honte d’être des humains. Ils ne virent plus qu’une chose : l’homme est mortel et faible. La nuit le leur rappelait de toute la rage de son silence.

     Ils avaient oublié de vénérer la vie à force de s’inventer des dieux rassurants ou terrifiants dont ils s’étaient tous sans exception détournés en prétendant les comprendre au lieu de se contenter de les servir humblement. Dans le désarroi profond, ils se mirent à regretter. Ils se repentirent de n’avoir pas su voir, de n’avoir pas su savourer, d’avoir compris trop tard. Oui, ils avaient enfin compris.

     Et le miracle advint. Il fut alors une lueur qui commença à se révéler au plus profond de leurs entrailles. Tous sentirent bientôt sa chaleur. Elle était bienfaisante. De chacun d’eux sortit enfin la lumière qui rapporta le jour aux humains. Le soleil apparut ce jour-là dans toute sa gloire. Du néant surgit la foi. De la foi surgit l’amour. L’amour engendra le bonheur. Et la vie reprit son cours.

     Les humains levèrent les yeux vers les cieux. Ils savaient désormais que la lumière venait d’eux.

 

 

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NDA: ci-dessous un lien vers une critique de Cronos, pour Babelio, sur le n°20 de la revue de Short Edition (parue dans l’été 2017) où l’on évoque ma nouvelle “Ex tenebris lux”, élue lauréate par l’équipe éditoriale en mars 2017.
https://www.babelio.com/livres/Collectif-SHORT-N20/984038#critiques


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