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13 mars 2021
En cette fête anniversaire du Covid, nous sommes trois. Un pour chaque année de ravage. Nous sommes trois en tout sur la planète. Je parle des humains, si jamais ça vous dit encore quelque chose. Les animaux s’en sont bien mieux sortis. Tant mieux, on peut manger.
Il va me falloir trouver comment apprécier mes deux « compagnons de malheur » (je refuse catégoriquement de m’estimer être une « miraculée » alors que je vis dans le pire de mes cauchemars). Désormais nous sommes du domaine du sacré. Putain de bordel de merde, il nous revient la tâche pourrie de reconstruire le monde !
Néanmoins sur cette idée, qui est pourtant une évidence selon les lois primaires de l’instinct de survie, nous n’arrivons pas à nous accorder. On s’engueule. Ça nous occupe l’esprit. Souvent.
Yann ne cesse de répéter qu’ « on va mourir comme des merdes, oubliés » parce que « c’est tout ce qu’on mérite. » Il me tente, j’ai une sincère envie de l’achever au plus vite mais je ne veux pas qu’on ne soit plus que deux par ma faute. Après avoir encaissé tel carnage, il devient absolument impossible de ne plus respecter le peu de vies humaines épargnées et Kevin ne me le pardonnerait jamais.
Lui, c’est un grand enfant. Un rêveur un peu abruti sur les bords aussi. Kev croit que sa mission est d’être drôle. Il fallait un clown pour soutenir le moral des rescapés selon ses dires. Il m’horripile. Au moins, il présente bien. Oui, je suis la dernière femme, pas besoin d’être médium pour savoir ce qui m’attend… “Mère Gaïa” qu’il m’a surnommée ce con. Et bien sûr, ça le fait pouffer de savoir qu’il va me sauter un jour ou l’autre. Parce que Yann, comment dire, ne se sent pas trop concerné, sauf si Kevin veut bien revoir ses habitudes, ce qui ne va pas nous repeupler la Terre.
Putain de monde foireux !
J’aurais dû regarder “Koh-lanta” avec feus mes mômes… On galère pour tout ! On vit sur ce qui reste de notre civilisation éteinte et je vous avoue que c’est profondément affligeant de se savoir une sainte trinité constituée de bras cassés. Les élus sont des losers. C’est pas très vendeur pour la postérité. Ni prometteur…
Bon, aujourd’hui, c’est vrai, je plume une poule comme une pro. L’égorger ne me fait plus grand chose. En fait, ça a le superbe avantage de m’empêcher de penser aux cous blancs des bipèdes qui me collent H24. Faut que j’oublie cette image d’épinal jihadiste…
Alors… Alors rien. Nous passons cette journée commémorative comme les autres à nous regarder avec nos yeux de chiens battus en nous disant qu’aucun de nous n’a les aptitudes requises pour construire un monde meilleur.
Faut-il vraiment que je raconte la fin ? Il n’y a clairement aucun suspense quant à l’issue.
D’ailleurs, qui la lira ?