Tout était flou. Mes pensées s’emmêlaient. J’avais du mal à penser. J’avais si mal à la tête. Je ne savais qu’une chose : il me fallait des réponses sinon j’allais devenir fou. J’étais allongé sur un lit d’hôpital. Mon corps était trop lourd pour moi. Je semblais entier. Je ne souffrais pas en tout cas. Peut-être étais-je sous morphine ? Je pensais au ralenti. Quelqu’un me regardait fixement. Face à moi, une femme me souriait. Je ne savais pas ce qu’elle attendait de moi. Elle pleurait de joie en me dévorant des yeux. Peut-être était-ce ma femme ? Je n’étais pas sûr d’avoir bien compris son regard. Je ne connaissais pas cette personne. Je ne me souvenais pas. Je ne savais plus qui j’étais. J’étais si fatigué. Je n’étais plus rien. Mon cerveau était englué. Comment réfléchir ? Ma tête était trop lourde. Je me sentis happé par un gouffre. J’abandonnai.
…
— Oh mon amour, j’ai eu si peur, me dit la voix de la femme assise en face de moi.
Enfin, je crois que c’est ce qu’elle a prononcé. C’était à peine audible. Elle avait rapproché sa chaise entre-temps. Elle se pencha vers moi. Je la voyais mieux et il me plut de constater qu’elle était très belle. Son souffle était court, coupé par l’émotion je suppose. Je ne savais pas quoi lui répondre. Je soupirai, incapable de trouver la moindre parole satisfaisante. Mon silence la gêna. Elle semblait très préoccupée. J’avais moi aussi du mal à respirer. Etait-ce bien la même femme que j’avais vue la dernière fois ? Son pull était bleu, pas rouge. Enfin, il me semblait qu’il était bleu. Je me trompais peut-être. Je ne savais plus. J’avais déjà oublié. Ce n’était pas important de toute façon.
Ses yeux étaient mouillés, rouges de larmes. Elle ne disait rien. Elle semblait attendre que je parle. J’aurais voulu lui demander son prénom. Comment la réconforter si je ne connaissais pas son prénom ? Elle avait l’air si triste que je n’osai pas lui dire ce qui m’envahissait l’esprit : je ne savais plus rien de nous.
— Je vais bien. Je n’ai pas mal. Ne t’inquiète pas.
Ce fut tout ce que je réussis à lui dire. Mes faibles mots étaient sortis déformés, pâteux, presque monstrueux, comme venus d’un autre monde. D’un autre homme. Que s’était-il passé ? Mais d’où étais-je revenu ? Je ne pouvais pas lui demander ça, elle paraissait si fragile.
La femme fondit en larmes. Je n’avais pas réussi à la rassurer. Ça tournait trop dans mon crâne pour que j’arrive à trouver la force de lui parler à nouveau. Sa tristesse s’avérait bien pire qu’avant désormais. Que lui dire pour qu’elle s’arrête ? Car il fallait qu’elle s’arrête immédiatement. Ses larmes me mettaient terriblement mal à l’aise. J’étais sincèrement désolé mais je ne reconnaissais pas cette personne devant moi qui m’aimait et souffrait sous mes yeux, pour moi.
Elle prit ma main tendrement et la serra avec l’affection d’une femme qui partage votre vie. Quelle vie ? Quel vide ! Je n’avais rien à donner.
— Tu m’aimes mais moi je ne sais pas ce que je suis, ai-je pensé, effondré.
Oh, j’avais bien compris que j’étais son époux. C’était évident. J’avais vu sa bague à l’annulaire. Je portais la même. Son regard pénétrant était bien celui d’une femme qui vous est intime. Mais tant de larmes, c’était insupportable ! Elle me déchirait le cœur. Comment oser lui dire qu’en m’aimant aussi fort, elle me faisait souffrir moi. Moi qui ne ressentais rien pour elle ! J’eus honte de penser aussi au même moment qu’elle était magnifique dans sa douleur. Pourtant je l’avais pensé et ça m’avait profondément ému. Elle aurait ensorcelé n’importe quel homme en le regardant aussi intensément. Sa main posée sur la mienne me parut aussi très douce. Son cœur battait vite, comme celui d’une femme qui se donne. Je n’avais pu m’empêcher de le voir palpiter dans l’échancrure de son pull. J’eus honte de ce désir déplacé et fermai les yeux. Ce fut pire. Mon imagination prit le relais. Je préférai la regarder et me laisser capturer par ses charmes sans plus lui résister. Ma femme, puisque je devais l’appeler ainsi, était terriblement séduisante.
Et je devais sans aucun doute avoir été amoureux autrefois de cette femme dont la voix qui venait de rompre le silence me rassura. La bonté se lisait sur ses traits. Il se dégageait d’elle une sensualité qui m’émut plus encore que sa beauté. Qu’elle soit une inconnue ou pas, je dois avouer que sa présence me grisait. J’eus alors le sentiment impérieux que j’avais besoin d’elle. Ce sentiment m’avait traversé de part en part, sans crier gare. C’était égoïste mais je ne pouvais nier que d’être aimé par une telle femme me faisait du bien. La beauté de cette femme m’apaisait. En moi, j’essayais d’enfouir la pensée que j’étais fier de l’avoir pour femme, d’être celui à qui elle avait choisi d’appartenir, car j’avais conscience hélas que j’étais un imposteur qui ne l’avait pas conquise.
Elle regarda son portable et me dit alors, comme pressée d’en finir :
— Ne m’en veux pas. Je ne peux pas rester. Je le voudrais mais le boulot… Tu sais… Tu comprends, n’est-ce pas ? Je vais revenir vite. Il faut vraiment que j’y aille. Je suis déjà en retard. A demain ! Désolée !
Le ton avait été si distant que je mis un temps avant de comprendre le sens de ce qu’elle venait de prononcer à mon attention. Son regard et sa main m’avaient dit tout autre chose quelques minutes avant.
Elle avait déjà disparu, me laissant plus seul que jamais. Je me sentais bizarre. J’étais sonné. Vide. L’avais-je rêvée ? L’idée peut paraitre folle mais sur le moment, je pensai qu’elle avait tout d’une apparition. La blancheur de son teint, la sensualité de ses courbes, sa peau douce et chaude… Je ne la connaissais pas –ou plutôt je ne la connaissais plus- et pourtant elle m’avait troublé.
Je cherchai du regard un détail qui pût me prouver l’authenticité de son passage mais ne trouvai rien de tangible. Un songe, elle n’était qu’un très beau songe envoutant… Mon esprit divagua un instant. J’avais très envie de faire revivre la femme de mes rêves. Je me perdis probablement dans mes pensées plus longtemps qu’un simple instant car je me laissai bercer par cette image lénifiante en oubliant le monde extérieur puis je fus ravis de distinguer l’infime effluve à peine perceptible de son parfum, au-delà de l’odeur aseptisée et pourtant entêtante de ma chambre d’hôpital. Elle était donc bien venue me voir. Je portais une alliance. Oui, oui, elle existait bel et bien. Bien sûr qu’elle existait !
La précipitation du départ de ma femme me tracassa alors. Ma femme… J’eus besoin de me le répéter plusieurs fois. J’aimais prononcer ces mots. C’est bête mais j’en étais même attendri. Peut-être à cause de l’amnésie ? J’étais fragile ; j’étais à fleur de peau. Je n’étais rien surtout et pourtant cette femme m’aimait. Le savoir, rien que le savoir, me rendait heureux. Son amour était entré en moi. Cette sensation plus que ce sentiment me donna l’intime conviction que j’étais investi d’une quête, la plus belle qui soit, celle de me battre pour mériter le droit de posséder une telle femme.
Mais elle était partie sans me laisser le temps de lui parler. C’était bizarre d’ailleurs. J’essayai de chasser cette inquiétude et n’y parvint pas. Elle me dévora vite tout entier. Quelque chose me dérangeait dans cet abandon. Pour être parfaitement honnête, je l’avais vécu comme un arrachement. J’avais besoin d’elle désormais. En soi, ce ressenti était obsédant, je lui en voulus presque tant ce sentiment était possessif. Je ne la connaissais pas quelques minutes avant et je me retrouvais prisonnier de son amour pour moi et pourtant, ça n’était pas une cage si effrayante que ça : être son amant dessinait une bien douce image. Cette image calma mes peurs.
Toutefois, quelque chose m’avait heurté lorsqu’elle m’avait quitté. Se sépare-t-on de l’homme qu’on aime comme ça ? C’était si brusque. En fait, on s’était à peine parlé. Devais-je ce sentiment de brutalité à mon amnésie qui me rendait trop sensible ? Probablement. Mais un détail me mina. J’avais entraperçu un geste dérangeant. Au moment où l’encadrement de la porte l’avait cachée presqu’entièrement à mon regard, je l’avais vu regarder nerveusement l’objet qu’elle avait gardé à la main pendant qu’elle me veillait. J’avais reconnu la luminosité caractéristique de son portable. Tout en me quittant, ma femme se replongeait dans des SMS et je ne sais pourquoi une rage irrépressible monta en moi tout à coup. Mais avec qui avait-elle besoin de communiquer dans un tel moment ? Ne pouvait-elle pas lâcher deux minutes sa saloperie de portable ? Pourquoi m’avait-elle quitté comme une voleuse ? Et pourquoi avait-elle adopté ce ton si froid pour s’adresser à moi ?
Je fus envahi par un pressentiment horrible, celui qu’elle n’était pas venue par amour mais pour juste pour s’assurer que j’avais survécu. Survécu à quoi bon sang ? Elle n’était déjà plus là pour me l’expliquer. Je ne savais plus quoi penser, j’étais perdu.
Après son départ, je ne sais plus ce qu’il s’est passé. Je ne me souviens plus du reste de cette journée. C’est trop confus. Je ne me souviens que du lendemain. J’avais vu passer les heures avec une impatience indomptable. J’avais attendu le retour de ma femme, irascible, nerveux, heureux, comblé, en proie au doute, ne tenant pas en place, au nirvana parfois, en un mot instable. Car elle allait revenir et je ne pensais qu’à elle.
Un homme qui m’annonça être mon frère entra dans ma chambre l’après-midi. Je n’avais rien à lui dire. De quoi voulait-il que l’on se parle d’ailleurs ? Il ne s’était pas attardé et m’avait quitté dépité par mon manque d’intérêt pour sa conversation laborieuse. Les médecins m’avaient déjà accolé une identité insipide qui ne m’avait rien appris sur moi et la seule chose que j’avais voulu savoir de mon frère avait été le prénom de celle qui était ma femme. Je n’avais rien écouté d’autre. En tout cas, je ne me souviens pas de ce qu’il a pu évoquer. Je n’étais pas disposé à le découvrir. Je n’étais plus moi-même. Égoïstement, je ne désirais qu’une chose, revoir la femme de mes rêves.
Quand elle arriva enfin dans ma chambre, il était presque l’heure de la fin des visites mais une épouse peut rester avec son mari au-delà des heures légales. Elle resta donc. Sa venue illumina mon cœur amoureux. Ai-je dit amoureux ? Oui, je l’aimais. Tendrement. J’étais certain que j’avais dû l’aimer à la folie avant de perdre la mémoire. Elle s’assit sur la chaise laissée près du mur d’entrée par mon frère. Elle ne m’embrassa pas, j’étais déçu, amer, elle était trop loin de moi. Toutefois je n’osais pas le lui faire remarquer, ma frustration m’aurait rendu maladroit et j’étais un imposteur au fond, mon envie de l’embrasser était illégitime. Elle prit un temps avant de se lancer :
— Le médecin m’a appris ton amnésie hier. Excuse-moi, Sylvain.
Elle respira profondément pour reprendre courage mais je la coupai dans son élan :
— Mon amour, ne t’excuse pas. Tu…
Je n’eus pas le temps d’en dire plus. Elle s’était soudain raidie et son regard était devenu glacial.
— Non, ne te force pas à être gentil ! Tu ne comprends pas, dit-elle sur un ton cassant. Je te demande de m’excuser pour ce que je vais devoir te dire à nouveau. Ton frère n’a pas pu t’expliquer pourquoi tu es là. Tout est ma faute. Ces dix jours de coma, ton accident de voiture, ta douleur inconsolable…
Elle s’arrêta à nouveau. Son visage avait changé. Si dur. Puis elle reprit péniblement en regardant ses mains qu’elle triturait.
— C’est à cause de moi que tu es amnésique. C’est à cause de moi que tu as foncé sur cet arbre. Sylvain, je t’avais dit le matin-même que je te quittais !
Ça se mit à tambouriner violemment dans mon crâne. Me quitter ? Pourquoi ? Je dus avoir l’air tellement minable qu’elle préféra enchaîner.
— C’est insoutenable d’avoir à te redire les mêmes mots atroces, de lire à nouveau sur ton visage toute la souffrance que je t’inspire, de voir que tu ne comprends pas, de savoir que j’ai provoqué ton accident, d’être là devant toi alors que je t’ai dit la dernière fois que je ne voulais plus te revoir, d’avoir eu si peur pour toi, de ne pas pouvoir m’empêcher de tenir encore à toi alors que je cherche à t’oublier, de me séparer de toi une deuxième fois…
— D’endosser le rôle du bourreau qui s’acharne une deuxième fois sur le cou de sa victime parce que le premier coup de hache n’a pas suffi », n’ai-je pu m’empêcher de conclure d’une voix froide.
Un silence plombé nous plongea tous les deux dans la torture un long moment.
— Sylvain, je ne sais pas quoi te dire pour t’éviter de souffrir… mais je ne voulais pas te mentir… Je vais te laisser. Je ne pense pas pouvoir revenir te voir. C’est trop dur. Souviens-toi seulement, un jour, souviens-toi que je t’ai aimé. Je ne pars pas pour un autre. Je n’en peux plus, c’est tout.
Elle se leva difficilement, incapable de dire un mot de plus. J’eus énormément de mal moi-même à sortir de ma torpeur pour lui dire alors, la gorge nouée :
— Méline, je ne me souviens pas de l’homme que j’ai été à tes côtés mais je veux que tu saches que je suis sincèrement désolé si je t’ai fait souffrir et si je n’ai pas su t’aimer comme tu le méritais.
Dans un murmure, j’ajoutai pour moi-même :
— Je devais être fou pour ne pas savoir t’aimer.
Elle figea son mouvement pour me regarder droit dans les yeux, troublée manifestement par mon aveu.
— Oh, c’était avant qu’il fallait me parler comme ça. Combien j’ai attendu que tu sois doux avec moi ! Si tu savais combien j’ai attendu. Combien cette attente m’a fait souffrir…
Eh bien moi aussi ! Je ne pouvais que la comprendre. J’étais anéanti.
— Puis-je te demander avant que tu disparaisses de ma vie de me dire quel homme j’étais. J’ai besoin de savoir pour quel homme je paie un tel prix. Je t’en supplie. Si je dois subir la vie d’un autre, dis-moi qui il était.
— Tu ne sais vraiment pas ? s’étonna-t-elle avant de se raviser. Tu n’aimais que toi. Tu aimais que je t’aime. Et je me suis épuisée à t’aimer dans le vide. Tu prends, tu prends, tu ne donnes rien. Tu ne recevais pas vraiment ce que je te donnais. Tu ne m’aimais pas. Tu t’aimais toi. Tu aimais l’idée romantique d’être aimé. Je me suis perdue en me donnant à toi. Je ne suis pas assez forte pour aimer pour deux.
— En somme, je peux être satisfait d’avoir essayé de mettre fin aux jours d’un sacré connard ! lui dis-je, presque malgré moi, écœuré de me découvrir sous ce jour.
— Non, je n’ai pas dit ça… Je… Tu… Oh mais je… », commença-t-elle par me répondre avant de s’arrêter brusquement.
Elle semblait à la fois indignée que je puisse insulter la mémoire de l’homme qu’elle avait aimé pendant des années et interloquée de se retrouver à devoir prendre ma défense en mon absence alors qu’elle venait de m’annoncer qu’elle me quittait. La situation était cauchemardesque.
Et justement son absurdité était si grotesque que je ne pus m’empêcher de partir dans un fou rire incontrôlable qui détonait outrageusement avec la gravité de la situation qui se jouait entre nous. Méline fut d’abord saisie par cette provocation puis, vaincue, elle se laissa emporter par mon fou rire, honteuse de se lâcher ainsi alors qu’elle aurait dû pleurer, me gifler, hurler, m’insulter, tout plutôt que de s’abandonner à cette joie qui n’existait plus depuis longtemps entre elle et moi.
Elle cacha son rire derrière ses mains. Il lui était impossible de le réprimer et de ne pas en rougir. Nous nous regardâmes tous les deux, les larmes aux yeux, comme deux sales gosses qui ne respectaient rien. Comme deux enfants innocents du drame extérieur. Deux enfants capables de refaire le monde dans leur imaginaire sans limites. Et si on disait que tout était possible, mon amour ? Notre amour est éternel. Il survivra à l’oubli, au suicide, aux erreurs. Il sera plus fort que la raison. Il se passera du jugement des autres ou de leur incompréhension. Entre nous. Juste entre nous deux. Si fort.
Mes pensées s’envolaient sans que j’arrive à détacher mon regard du sien. Elle était si désirable qu’il m’était douloureux de la regarder et pourtant je fus incapable de me détacher d’elle. Je plongeai tout entier dans cette contemplation, hors du temps. Malgré cela, tout au fond de moi, je redoutais avec angoisse l’instant où elle briserait le silence pour achever mon agonie. Sans elle, qu’est-ce que j’étais ? Elle était celle que j’avais toujours cherchée. Elle faisait partie de mon équilibre.
Je ne pus l’empêcher de reprendre le cours du temps. Son sourire empathique adoucit la sentence finale à laquelle je ne n’allais pas pouvoir échapper. Elle allait me vider de mon âme.
— Je suis désolée. Ça faisait longtemps que je n’avais pas lâché prise comme ça. J’imagine que j’ai l’air d’une… Oh, je ne sais même pas de quoi j’ai l’air !
Je fus surpris par sa voix. Bouleversé même. Si je ne devais plus l’entendre, je lui étais reconnaissant de me permettre de garder au moins le souvenir d’une intonation si apaisante.
— Excuse-moi, poursuivit-elle. C’est délirant ! J’ose pas te dire à quoi je pense…
Elle se mordit les lèvres avant d’ajouter :
— Je t’ai revu toi, au début, quand tu me faisais rire. Tu adorais me faire rougir et dans les pires moments en plus ! Quand j’étais triste aussi, tu savais retourner la situation et me faire exploser de rire. Tu avais ce talent-là autrefois. C’est fou. J’adorais ça. J’adorais ça, tu sais. J’avais oublié combien j’adorais ça…
Les yeux de Méline étaient devenus des abimes dans lesquels que je me sentis perdu. C’est avec la même émotion que je lui répondis :
— Je ne sais plus qui j’étais. Je sais seulement qui je suis aujourd’hui. Et je sais que je t’aime. L’homme qui t’a perdu est fou de t’avoir laissée partir. On ne peut pas se séparer d’une femme comme toi. A sa place, je ne me suiciderais pas mais, au contraire, je remuerais ciel et terre pour te convaincre de la force de mon amour jusqu’à te faire oublier tes doutes. Je te protègerais parce que je ne supporte pas une seconde de te voir souffrir. Je ferai tout pour être celui que tu aimes. Je serais fier et reconnaissant d’être celui que tu as choisi. Je savourerais chaque minute que tu me donnes. Je te dirais encore et encore que je t’aime. Je te montrerais combien tu m’émeus. Je te ferais tendrement l’amour. Une femme comme toi… mais je ferai tout pour la mériter. Je lui ferai oublier le temps et le monde qui continue de tourner au loin. Je l’emmènerai dans mes rêves et je serai comblé de partager les siens les plus intimes. Je ferai en sorte de faire chavirer ton cœur comme tu fais chavirer le mien. Je te dirai chaque jour combien je te désire. J’adorerai ton corps et ne supporterai pas d’en être éloigné. Je serai comblé de te laisser me séduire et me mettre la tête à l’envers. Ma douce Méline, je ne supporte pas d’avoir été l’homme qui t’a fait souffrir. Je suis à toi aujourd’hui autant qu’il m’est possible d’appartenir à quelqu’un. Je n’oublie pas que tu m’as aimé. Et j’espère de toute mon âme que tu m’aimes encore un peu. Tu es ma femme, jamais je ne pourrais te laisser partir sans me battre pour être aimé de toi encore et encore. Je crois que d’une certaine manière je suis mort pour pouvoir renaître à toi et mériter ton amour. Si tu savais combien j’ai envie de te serrer contre moi en ce moment, tu ne douterais pas un instant de ma sincérité, mon amour.
Méline me regardait fixement. Elle restait figée.
— Tu m’as tellement manqué ! avoua-t-elle avec délice en venant se blottir contre moi.
— Je n’oublierai jamais que tu m’aimes, lui dis-je tout bas, car je n’oublierai jamais la promesse que je viens de te faire.
— Chuuuut ! Aime-moi.
Elle se donna alors dans le plus doux des abandons. D’un amour envoutant. Absolu. Par quelle folie avais-je pu l’oublier ? Ses caresses m’emportèrent vers une autre folie, de celles qui vous font aimer vivre intensément.
Je me sens touchée , je sors de ce récit ébranlée, émue…
Merci Marie. Ton retour me touche à mon tour.
Oui, c’est un récit qui me touche aussi et dont je ne peux pas trop parler, un récit de la seconde chance, d’une possible renaissance ….
Cela faisait un moment que je voulais exprimer en une seule histoire toutes les phases des états amoureux par lesquels on passe quand on commence à aimer un homme ou une femme. J’avais à cœur de parler de l’émoi, de l’attraction irrésistible, de la douceur et de la douleur qu’elle engendre, je voulais exprimer alors les doutes qui déstabilisent, la prise de conscience de ne plus être tout à fait libre alors que nait le besoin irrépressible de l’autre, la sensation de manque au fur et à mesure que le sentiment prend chair, la torture de ne pas savoir si l’autre aime ou non, le caractère envahissant de ce besoin d’être aimé en retour, qui peut écraser ou transporter selon son issue… Pour autant, je voulais que ce soit une histoire douce. Puis, un jour, mon histoire s’est écrite d’elle-même et ce que je portais en moi a pris la forme d’une renaissance à soi, à l’autre, à la vie. J’avais trouvé.
Après avoir lu ce texte merveilleux on sort transformé tellement c realistic, pragmatique,collant à la réalité et bien plus encore.Bravo.
Que de compliments! Je suis touchée. Merci, merci.
Ce ne sont pas des compliments c’est la réalité.Quand j’ai lu le texte les éléments du puzzle se sont imbriqués progessivement et au final la chute qui n’est pas une chute usuelle m’a ébloui:un tableau sublissime.Tout mon etre a réagi avec un cri unanime: éblouissant et ceci est sans façon. C ‘est la première fois que je lis un texte ou l’écrivain ( le nouvelliste) réussit à exprimer les sentiments d’un amnésique de la sorte :fortissimo!
Euh… ça ne se voit pas à l’écran mais, là… j’en rougis. Je suis très heureuse que ça vous ait plu.
Non seulement ça m’a plu mais à mon avis meme un bloc de roche s’effriterait et formerait un effet boule de neige renversant et une avalanche de sentiments qui donneront, à l’homme ou la femme qui aime ou n’aime plus, un effort de distanciation pour analyser ce capital amour et ne pas le laisser s’épancher sur des pentes inconnues.